Trangressions
Dans la revue Étoiles d'encre parue en octobre 2016, trois de mes textes ont été publiés :
3 poèmes
et une nouvelle
Des textes chers à mon cœur que je vous laisse découvrir.
La femme de votre vie
Ne me demandez pas
de laver vos chaussettes
Je suis là pour une heure,
Un soir,
au plus pour une nuit
Je ne veux rien savoir
Je ne veux rien de vous
Sinon être pour une heure
pour un soir
au plus pour une nuit
La femme de votre vie
Peu importe qui je suis
Peu importe d'où je viens
Je suis là de passage
Pour une heure
Pour un soir
Au plus pour une nuit
Ne me demandez pas
De raconter ma vie
Ma vie elle est à moi
Ne me demandez pas
Pourquoi je vous souris
Pourquoi je fais semblant
De croire à vos mensonges
Je suis là pour une heure
À écouter vos mots
Je suis là pour un soir
À incarner vos rêves
Je suis là pour une nuit
À jouer à être heureux
Dans ce cocon luxueux.
Je suis là pour une heure
Et vous me trouvez belle
Je suis là pour un soir
Et vous me trouvez douce
Je suis là pour la nuit
Et je vous éblouis
Mais
Je pourrais pour une heure
Vous dire des "je t'aime"
Je pourrais pour un soir
N'appartenir qu'à vous
Si vous le demandez...
Bel inconnu d'un jour,
Je ne veux rien de vous
Et surtout pas d'argent
Je suis là pour une heure
À l'abri des regards
Je suis là pour un soir
À rire, boire et aimer
Je suis là, au plus pour une nuit
Parce que j'en ai envie
Alors,
Ne me demandez rien!!!
À la nuit endormie
Au matin en éveil
Je ne serai plus là
Laissant dans votre lit
L'odeur de mes baisers
Laissant sur votre peau
L'empreinte de mes folies
J'étais là pour une heure
J'étais là dans vos bras
À vous dire les mots doux
Que vous vouliez entendre
J'étais là pour un soir
Et, fus pour une nuit,
La femme de votre vie.
©Clara Delange
Contre tout ordre
Toi, allongé là dans ce lit
Moi près de toi debout
La cigarette que tu réclames
Que tu supplies à corps à cris
Ordre
Ordre désordre
Est-ce dans l'ordre des choses
Toi cloué dans ce lit
À cause d'un abruti
Qui se croit tout permis
Comme de rouler la nuit
Bourré d'herbe et d'alcool
Comme d'écraser ta vie
Et s'en sortir indemne
Sans remords sans permis?
Est-ce dans l'ordre des choses
Que la mort l'amputation
Aient frôlé mon corps
À peine un an avant?
Est-ce dans l'ordre des choses
Que malgré le nursing
Ta chair se liquéfie
Et que la seule issue
Soit la septicémie?
Je choisis le désordre
Et cette cigarette
Que tu ne peux tenir
Nous la fumons à deux!
C'est dans l'ordre des règles
Que je reçus ce jour, devant toi
Une caisse de savons
C'est dans la transgression
Que je reçus ce jour, de la part du médecin
Des félicitations ...
©Clara Delange
La rafle de Ralph
Cachée derrière la grille de ce poêle sans feu
Elle a peur mais ne bouge pas
Maman a dit ne bouge pas
Cachée derrière la grille
Elle regarde les uniformes noirs
Elle voit papa couvert de sang
Et puis elle le voit lui Ralph
Lui surprenant le regard furtif de maman
vers ce poêle sans feu
Elle voit maman au sol
Elle ne bouge pas
Maman a dit ne bouge pas
Maman a dit:
"Chut ne parle pas, ne pleure pas,
Je vais revenir te chercher"
Elle voit les uniformes noirs
Emporter maman et papa
Il fait nuit, maman ne vient pas
Mais elle reste cachée là
Derrière la grille du poêle sans bois
..............
"Chut, n'aie pas peur, ne parle pas,
Je vais te sortir de là"
Ralph n'a plus d'uniforme noir
Il l'extirpe de ce poêle sans bois
La glisse délicatement
dans un sac capitonné
de linge propre de liberté
Maman a dit:
"Chut ne parle pas, ne pleure pas"
................
Trois têtes sont penchées sur elle
À l'ouverture du petit jour
"Louis, Marguerite voici un trésor, prenez-en soin!"
Ralph lui sourit et il s'en va
Dis-moi petite quel est ton nom?
Maman a dit:
"Chut, ne parle pas!"
C'était le 23 août 42
Ils l'appelleraient donc Rose
Maman n'est jamais revenue
Elle n'a plus jamais parlé
Maman a dit:
"Ne pleure pas!"
Maman n'est jamais revenue
Elle n'a plus jamais pleuré
Juste, juste lui Ralph parmi les justes
Bravant tous les interdits
Dépasseur d'ordres et de lois
Cacheur d'enfants juifs innocents
Officier au juste cœur
Juste, juste Lui
Délation dénonciation
Raflé les rafles en rafale
Il en ramena des trésors
Au nom des saints du jour venu
Il en prit soin de ces enfants
Avant d'être exécuté
©Clara Delange
Le crime était plus que parfait
Allez ma poulette debout ! On se bouge les fesses et les neurones !
Il en était ainsi, chaque matin au réveil depuis que Rose avait perdu son emploi, il fallait trouver une motivation, ne pas se laisser tenter par des levers tardifs et des journées oisives.
Lundi 18 avril, tous les jours sont les mêmes, des lundis ou des dimanches, des chiffres et nombres qui se suivent et s’effacent ; mais aujourd’hui c’est le 18 avril le jour de la St Parfait !
Depuis quelques temps, elle y pensait, aujourd’hui était un bon jour pour réaliser ce projet : elle allait commettre le crime parfait !
Il fallait, un de la minutie, deux de la méthode et trois de la prudence ! Minutieuse, elle l’était elle travaillait avec patience, persévérance et minutie lorsqu’elle confectionnait des bijoux ou toute autre création artistique ou même petit ou gros bricolage.
Malgré sa fantaisie elle était plutôt méthodique, enfin selon sa propre définition très personnelle de la méthodologie, mais elle se fixait un objectif et l’atteignait chaque fois.
La prudence, ça, ce n’était pas son point fort, voire même son point du tout, elle allait noter avec méthode et s’obliger à une prudence minutieuse !
Un, chercher la définition de « parfait » et de « crime »,
Deux, se préparer un café
Trois, se glisser dans un bain chaud pour réfléchir au calme.
Revenons à la méthode, allumer l’ordinateur et chercher une parfaite définition de l’adjectif « parfait"
PARFAIT : sans aucun défaut, excellent, qui est un modèle du genre, accompli, total (source dictionnaire l’internaute)
Qui réalise pleinement tous les caractères typiques, qui est au sommet de l’échelle des valeurs. Qui présente pleinement les propriétés attendues, qui répond totalement à une norme idéale ou qui est pleinement approprié dans la situation considérée *
Elle était adepte du tri sélectif et de l’économie de son énergie, ces quelques mots résumaient tout, ça c’est parfait, ça c’est fait !
Rose s’apprêtait à faire une recherche sur le nom commun « crime », la prudence lui souffla à l’oreille que ce n’était guère prudent, s’informer sur le crime et voire même le crime parfait pourrait en soi constituer un début de preuve, elle l’avait échappée belle, elle éteignit illico presto son ordinateur.
Dans le petit Larousse de 1934 elle chercha son bonheur
PARFAIT : qui réunit toutes les qualités sans mélanges de défauts.
CRIME : toute violation grave de la loi morale, religieuse ou civile. Fait délictueux entraînant une condamnation afflictive et infamante, et dont la répression est du ressort de la cour d’assises.
La chance l’accompagnant elle avait, avant de fermer l’ordinateur, pu trouver l’association de ces deux mots CRIME & PARFAIT :
Crime minutieusement élaboré, exécuté, de façon à ne laisser aucun indice compromettant et à empêcher la découverte du coupable (CNRTL)
Alliant l’agréable à l’agréable, elle prépara un café avant de se glisser dans un bain délicieusement chaud et parfumé.
Après cet intermède, trois points restaient à déterminer : le pourquoi, le comment et le qui ou bien le qui, le comment et le pourquoi ou bien le comment puis le pourquoi du qui, bref trois point importants !
La question du quand ne se posait plus, ni celle du quant à soi (expression qui l’amusait beaucoup) quant à l’autre on verrait ça plus tard avec le qui, et ce n’était pas le **kan…gourou de Kant qui la contredirait
Le Pourquoi, ah le fameux qui appelle sans cesse le parce que ! Je vous vois venir …à la valse des « pourquoi » elle aurait pu répondre par un tango des « parce que », elle aurait pu dire :
— Pourquoi pas ?
Tourner en rond et danser le reste de la journée, elle aurait pu trouver cent raisons, mais elle choisit de répondre sans raison :
— POUR M’AMUSER !
Allez hop ça c'est réglé.
Le qui ou le comment, le comment ou le qui ?
N’importe comment il faudrait bien trouver une solution « intraçable » et puis le comment ne dépendait-il pas du qui ? Ou bien était-ce l’inverse ?
Cela demandait réflexion, un p’tit verre de vin blanc et quelques carrés de chocolats l’aideraient sûrement à trouver la meilleure solution…
Ça va beaucoup mieux, Rose avait lu tant de romans policiers…les comment ne manquaient pas, le coup de gigot de Roald Dahl resterait à jamais son préféré, mais elle n’avait pas de gigot congelé ; à quoi ça tient des fois la vie, oups la mort ?
Pas facile sans internet de trouver un bon comment, le poison c’était trop long, elle ne pouvait quand même pas aller dans une droguerie ou une pharmacie, trop imprudent !
Elle avait le temps, alors elle avait relu des vieux polars, avait regardé quelques DVD et finalement Rose se dit que le comment attendrait, il était temps de passer au Qui.
Allait-elle s’amuser à tuer un connu ou un inconnu ? Un inconnu ça brouillerait mieux les pistes, elle n’avait aucune raison de tuer quelqu’un qu’elle ne connaissait pas, mais là le comment repointait le bout de son nez à vitesse grand V.
Elle aurait bien tué son mari, mais voilà elle n’en avait pas, enfin plus, trois fois mariée, trois fois veuves !!!
Le premier charmant charmeur volage avait eu la mauvaise idée de virevolter convoler hors noces dans le nid de son patron, son charme n'avait plus opéré, il avait perdu son travail, son droit aux indemnités et sa réputation
Un soir en rentrant elle l’avait trouvé baignant dans le sang et les morceaux de cervelle.
Elle se dit deux choses :
Il aurait au moins pu se pendre, le nettoyage aurait été plus facile
Aucun enfant ne souffrirait de sa mort
En fait, son premier mari était mort de honte !
Le deuxième était un buveur colérique, un soir d'orage conjugal elle avait évité de justesse le poing rageur qu'il lui destinait, il s'était brisé les os de la main, le mur en garderait longtemps la trace, elle s'était enfuie, il l'avait pourchassée au volant de sa voiture et il avait terminé sa course enroulé autour d’un platane, il était mort sur le coup.
Elle avait pensé trois choses :
À quoi ressemblerait son visage si elle n'avait pas réussi à esquiver le coup ?
Il lui faudrait acheter une nouvelle voiture
Aucun enfant ne souffrirait de sa mort
En fait, il était mort de rage !
Le troisième était un dépressif chronique jaloux narcissique, la fantaisie et le rire ne faisaient pas partie de son univers.
Alors qu'ils fêtaient son anniversaire avec ses amis, la conversation allait bon train, elle avait simplement dit : je voudrais publier ce que j'écris
Il avait éclaté de rire vous savez de ces rires fous incontrôlables, cerise sur la forêt noire avait gardé son petit noyau... Fou rire communicatif tous ses amis riaient riaient et personne ne le vit bleuir puis suffoquer puis tomber
Les pompiers trouvèrent une assemblée hilare
Entre deux secousses de rire, elle avait pensé
Qu’elle ne se connaissait pas ce talent de comique
Qu’il faudrait dire au pâtissier de dénoyauter toutes les cerises
Qu’elle devrait prendre des cours de secourisme
Que l’adage avait raison : jamais deux sans trois
Qu’elle ne se marierait plus
Que le trois n’était vraiment pas son chiffre
Qu’heureusement aucun enfant ne souffrirait de sa mort
En fait, il était mort de rire, un comble pour un triste sire !
Rose avait les paupières lourdes, regardant par la fenêtre elle vit la lune briller ; elle avait réussi, commis le crime parfait :
Elle avait tué le temps !!!
Aucune trace ni sur l’ordinateur, ni sur ses cahiers de notes, il ne restait de ce 18 avril que le cadavre d’une bouteille de Chardonnay.
* Source : CNRTL centre national de ressources textuelles et lexicales
** NOTE Kant et son kangourou franchissent les portes du paradis - Petite philosophie de la vie (et après) par les blagues Thomas Cathcart, Daniel Klein
©Clara Delange
Revue Étoiles d'encre numéro 67-68 octobre 2016 : Transgressions Éditions Chèvre-feuille étoilée
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